Un Meccano pour grands qui voient grand

Magazine Forces | March 2018

Ouvrant des possibilités jusque-là inimaginables, l’entreprise lavalloise BONE Structure a conçu une armature en acier léger, sans murs porteurs, ce qui ouvre l’espace et la possibilité de fenêtres immenses pour accueillir la lumière. De quoi faire rêver les bâtisseurs de cathédrales !

Ouvrant des possibilités jusque-là inimaginables, l’entreprise lavalloise BONE Structure a conçu une armature en acier léger, sans murs porteurs, ce qui ouvre l’espace et la possibilité de fenêtres immenses pour accueillir la lumière. De quoi faire rêver les bâtisseurs de cathédrales !

Mais le concept est aussi bien ancré dans le 21e siècle : écologique, écoénergétique, combiné à une technologie de précision inspirée de l’aéronautique et de l’industrie automobile qui rend sa structure résistante et durable. Le processus de fabrication fait de cette armature une structure transformable : la maison peut changer au fil des ans pour s’adapter aux besoins des familles.

Voici comment l’homme à la tête de l’entreprise, Marc-André Bovet, a rêvé son nid – et celui des autres.

Par Stéphanie Marin

 

L’idée d’origine

L’homme, qui a fait ses armes dans l’entreprise familiale de vêtements pour hommes éponyme, Bovet, a ensuite lancé son agence de publicité et de création d’images de marque. Après avoir agi à titre de consultant auprès de Bombardier, ce fleuron de l’aéronautique canadienne lui a offert un poste de gestionnaire, qu’il assumera durant cinq années. Cette expérience lui permettra de se familiariser avec le génie de l’aérospatiale, qui inspire en lui une passion pour les processus de fabrication.

Lorsque Marc-André Bovet décide de se faire construire une maison, il assure avoir fait ses devoirs et négocié ses contrats de façon serrée. Il a procédé de façon traditionnelle, dit-il, en engageant les services d’un architecte, d’un ingénieur et d’un entrepreneur digne de confiance. Pour éviter les retards, il a même attendu que son entrepreneur ait terminé tous ses chantiers avant de commencer sa maison. Malgré tout, il dit s’être retrouvé à l’hôtel, avec femme et enfants : la maison n’a pas été prête à temps, raconte-t-il dans un café du Vieux-Montréal.

L’expérience, bien que frustrante, a fait germer une idée : celle d’un processus de fabrication fiable, précis, visant à révolutionner l’industrie à l’aide de la technologie.

Son entreprise appartient d’ailleurs au domaine de la technologie plutôt qu’à celui de la construction, insiste-t-il. « On se définit comme une compagnie de technologie, qui développe des solutions, qui intègre des processus au service d’une industrie un peu archaïque, pour ne pas dire “brisée”. » Car le domaine a peu évolué en 350 ans, soutient l’entrepreneur.

Brandissant un stylo de la marque Bic, Marc-André Bovet soutient que cet accessoire bon marché est le produit d’un processus de fabrication plus précis et d’un contrôle qualité plus serré que la construction d’une maison. « Comment est-ce possible, s’exclame-t-il, alors qu’une maison, pour la majorité des gens, représente l’achat le plus dispendieux de leur vie ? »

La plupart des entrepreneurs construisent trois maisons ou moins par an, ce qui explique le manque de rigueur et l’absence d’un processus solide, croit-il, ajoutant : « Ça demeure de l’artisanat ». D’où le besoin de créer des processus – un mot qu’il affectionne – d’uniformité et de contrôle de qualité.

Marc-André Bovet a ensuite voyagé de par le monde pour connaître les innovations dans le domaine du bâtiment. S’il a vu des designs exceptionnels et du génie à l’œuvre, à Shanghai, à Dubaï et dans bien d’autres villes, rien ne répondait à son exigence de « simplicité ».

Le concept

C’est ainsi qu’avec son équipe, il a développé un concept technologique – maintenant protégé par 42 brevets – de charpente en acier galvanisé, dont chacune des poutres est créée par ordinateur et découpée au laser, comme pour le fuselage des avions. Les pièces de l’ossature du bâtiment sont dessinées avec précision, conçues pour s’emboîter parfaitement les unes dans les autres. Comme les os du squelette humain, « la structure au meilleur design de l’histoire », dira-t-il. Et celle qui a inspiré le nom de l’entreprise : BONE Structure.

L’aéronautique et les chaînes de montage de précision de l’industrie automobile ont influé sur la conception de ses maisons, toutes construites sur mesure : le design et l’architecture sont conçus de façon numérique, en 3D. « Les maisons sont assemblées et non construites », précise l’entrepreneur. Et elles ne sont ni modulaires, ni préfabriquées ; il s’agit d’un autre concept de fabrication et de montage, soutient-il.

Les poutres d’acier sont livrées directement de l’usine au chantier par camion. Elles ressemblent aux pièces du fameux jeu de « meccano » de notre enfance – encore vendu de nos jours – qui permet de créer à l’infini à l’aide de lames de métal percées de trous.

La grande précision des pièces fait que les murs de la maison sont parfaitement droits, ce qui offre une foule d’avantages, fait valoir le président fondateur de l’entreprise, notamment l’étanchéité du bâtiment. Il est possible de tout commander à l’avance, par exemple, les armoires de cuisine, car on sait que les modules s’intégreront parfaitement.

Et l’acier, contrairement au bois traditionnellement utilisé pour les maisons québécoises, ne « travaillera » pas en séchant. En prime : pas de fissures.

Les panneaux précoupés des planchers et des revêtements muraux intérieurs et extérieurs en polystyrène arrivent au chantier déjà perforés en fonction des besoins et sont fixés sur les poutres.

La conception des poutres d’acier prévoit toutes les ouvertures nécessaires pour accueillir tuyaux de plomberie et fils électriques. Souvent, les concepteurs de maisons négligent ces aspects qu’ils jugent secondaires, explique Marc-André Bovet, alors qu’ils sont essentiels pour les futurs occupants de la maison.

Tout cela se traduit par une trop grande rapidité d’assemblage visant la réduction des coûts de main-d’œuvre et multipliant les risques d’erreurs humaines.

Un autre exemple de simplicité ? Tout peut se fixer avec une perceuse à batterie et un seul type de vis, lance l’entrepreneur. « L’idée, c’est d’arriver à quelque chose d’universel. De simple. »

Un concept écologique et une maison à haute efficacité énergétique

Marc-André Bovet déclare pouvoir apposer à ses maisons l’étiquette verte, qui, de nos jours, constitue un argument de vente indéniable, pour plusieurs raisons. D’abord, parce que les déchets sur le chantier sont minimes, puisque les poutres et les autres matériaux ont été conçus à la bonne taille. Il déplore que, lors de la construction d’une maison de façon traditionnelle, de grands conteneurs-poubelles se remplissent – de matériaux neufs – sur le chantier dès le premier jour.

Ensuite, parce que ses maisons consomment peu d’énergie. Les murs sont étanches, puisque la précision de la conception fait en sorte qu’il n’y a pas d’espace entre les éléments. Et le tout est recouvert d’un isolant à base de soya pulvérisé en surface, qui ajoute à l’étanchéité. Cela permet d’économiser jusqu’à 90 % en frais de chauffage et de climatisation, assure-t-il.

L’acier des poutres – recyclable et recyclé à 89 % – fait en sorte que la structure ne sera pas attaquée par les mites ni par les moisissures. Un avantage sanitaire considérable.

Et si ce type de bâtiment n’est pas le seul à pouvoir accueillir des panneaux solaires, il s’y prête bien. BONE Structure vise d’ailleurs à bâtir des maisons de qualification « nette zéro » qui s’autosuffiront en matière de production d’énergie et seront même capables d’en revendre au réseau électrique. Cette possibilité n’existe pas pour le moment au Québec. « Pas encore », corrige Marc-André Bovet.

Une maison qui évolue

Vous voulez ajouter une chambre ? Pas de problème, il n’y a qu’à commander des poutres qui s’emboîteront dans celles déjà en place, sans nuire à l’intégrité de la structure. Même chose pour l’ajout d’une fenêtre. Voilà une autre raison pour laquelle Marc-André Bovet qualifie ses structures de durables : au lieu d’acheter une autre maison quand l’actuelle ne répond plus aux besoins, on peut adapter celle-ci. Et répondre ainsi aux besoins de la famille à laquelle s’ajoutent des enfants, ou des parents âgés qui viennent y vivre. « La maison se transforme, s’adapte au style de vie », lance-t-il.

Design en liberté

Sans mur porteur, la technologie permet de grands espaces au goût du jour. Des plafonds de 22 pieds et des portées de 25 pieds, pourquoi pas ?

Si une bonne partie des clients ont eu recours à BONE Structure pour réaliser des habitations modernes à la campagne ou en forêt, elle peut servir à construire des maisons en ville et de style plus traditionnel. Le revêtement extérieur n’est pas restreint à un type : il peut être en bois comme en pierre ou en aluminium.

Les structures étant limitées à trois étages pour le moment, Marc-André Bovet vise donc le marché de l’habitation résidentielle et des petits bâtiments commerciaux.

Les perspectives sont vastes. L’entreprise a le vent dans les voiles et vient d’ouvrir un bureau à San Francisco. C’est le fils de Marc-André, Charles Bovet, qui a coupé le ruban du bureau californien en 2016 et qui est chargé de son expansion. Les normes environnementales de la Californie et son Code du bâtiment axé sur la performance font de l’État américain un terreau fertile pour ce type de maisons, croit l’entrepreneur.

Les quelque 300 réalisations de l’entreprise de Laval se retrou-vent dans plusieurs provinces canadiennes ainsi qu’aux États-Unis. L’une d’elles – la « version nette zéro » – appartient à Mark Z. Jacobson, professeur de génie civil et de sciences de l’environnement à l’Université de Stanford, cofondateur de Solutions Project et de l’initiative d’une énergie renouvelable à 100 %. Il a choisi BONE Structure pour être conséquent avec ce qu’il prêche.

BONE structure a aussi rebâti le Musi-Café de Lac-Mégantic, détruit par la catastrophe ferroviaire du 6 juillet 2013. Une centaine d’autres habitations sont en chantier pour 2018, dont 52 en Californie seulement.

BONE Structure s’est déjà fait remarquer – et démarquer : l’entreprise s’est vue décerner trois prix Dunamis de la Chambre de commerce et d’industrie de Laval : un en 2013 dans la catégorie Innovation puis deux autres en 2014, soit celui de la catégorie Écocitoyenneté et celui d’Entreprise de service de l’année. Plus récemment, en 2017, Marc-André Bovet a été sélectionné parmi les 50 innovateurs de l’année à l’occasion du concours HIVE qui s’est tenu à Los Angeles, dans la catégorie technologie de construction, aux côtés de chefs d’entreprise comme Elon Musk, de Tesla. Il souhaite voir se multiplier des maisons BONE dans tous les pays où il détient des brevets.

« Je crois que je suis entouré de la meilleure équipe, celle qui veut changer le monde de l’habitation pour vrai », affirme-t-il avec assurance. 5

 

BONE en chiffres

• 2005 : année de naissance de BONE Structure.

• + de 300 réalisations.

• Environ 60 employés.

• 2 bureaux et 2 places d’affaires.

• 13 usines, dont 7 au Québec.

 

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